Till Roeskens et ses variations cartographiques

L'imaginaire cartographique trame singulièrement le travail de Till Roeskens. Le cartographique s'y montre comme le politique lui-même, c'est-à-dire relation, connections et déconnections. Mais il est toujours inséparable d'une singularité subjective, la sienne, ou celle des autres qu'il rencontre.
Ce qui nous semble si emblématique de sa démarche, ce sont alors ses Plans de situations. Ses plans de situations sont tout autant des portraits de villes, de paysages, du monde, des habitants de tous ces endroits, mais par là, c'est toujours et aussi, d'une certaine façon, un portrait de lui-même qui se tisse.
Curieux filtre subjectif qui ne se cache jamais, et où pourtant vibre une intention anonyme à partir de laquelle seulement le cartographique peut se constituer, par ajouts, strates successives, coexistences des points de vue différents sur un même lieu. Que le politique surgisse comme ce qui nimbe le réel ici et maintenant par le regard qu'on y porte est peut-être l'un des traits les plus curieux de ce travail. Le politique ne sera pas une loi, un objet, un discours sur quelque chose, mais un processus à l'œuvre qui montre le bout de son nez comme une pellicule d'être. Le politique aura à voir ici avec une distribution aléatoire des places à l'intérieur d'une structure (c'est la façon dont Jacques Rancière conçoit la démocratie).
Certaines formes finales comme la conférence sur Sélestat où l'artiste-conférencier raconte son voyage-exploration pendant deux heures est alors une appropriation troublante : le récit personnel est constitué principalement par des paroles rencontrées, apprises par cœur, et leur origine est moins citée que rapportée sous un semblant d'exactitude objective. Il y a une nécessité de ce rapport.
Que ce soit avec les plans de situations ou d'autres formes, avec ses cartographies entre Palestine et Israel, Till Roeskens maille des variations subjectives, leurs couleurs, dans leur ancrage immédiatement signifiant (telle ville, telle politique d'aménagement, telle nébuleuse de questionnement, tel enfermement). Le fruit du hasard, le fortuit, la couleur de l'instant, y est inséparable du jeux des grilles, plans, niveaux, discours-plateaux, qui flottent, se superposent, du familier à l'administratif, au discours du politique pur et dur, jusqu'à rendre un peu de la complexité d'une réalité multiple dans ses plissements.

http://www.documentsdartistes.org/artistes/roeskens/repro.html